Un rubber jig n’a pas d’action propre, c’est au pêcheur de donner au leurre un look d’écrevisse inquiète, c’est elle qui attire l’attention du bass. L’écrevisse repérée ne reste jamais à rien faire, elle semble toujours savoir lorsqu’un prédateur s’intéresse à elle. Soit elle se dresse sur elle-même en reculant lentement, soit elle fuit par petits sauts successifs en cherchant un abri. Je pense que cela explique pourquoi la grande majorité des touches surviennent lorsque le jig sort d’un obstacle. Le bass observe le leurre et attend que celui-ci jaillisse, comme le ferait une écrevisse pour fuir vers un meilleur abri.
J’ai donc essayé d’apprendre à manier mes rubber jigs comme des écrevisses sur la défensive. En m’entraînant dans une grande bassine, j’ai finalement opté pour des trailers (1) type bottle shrimp. Les deux longues et larges pattes imitent à merveille les pinces des écrevisses.
La présentation du leurre que je préfère est celle qui consiste à faire de petits sauts successifs. Je m’en sers en flipping (2) ou en pitching (3). Souvent, j’ai une touche durant la descente du leurre. Si cela n’est pas le cas, j’utilise ma méthode des petits sauts. L’idéal est d’y associer un trailer style air bait hawg vagabond : un trailer avec de grands bras flottants. Il est important de respecter la teinte du rubber jig.
J’utilise une canne 6’11 medium heavy équipé d’un fil de 15 à 25 livres.
L’important est de décoller le leurre du fond à la verticale de façon à faire flotter les bras du trailer dans le nuage de poussière soulevé par le mouvement du leurre. Cela rappelle l’attitude de l’écrevisse fuyant et cherchant un trou pour se planquer. Il faut maintenir sa ligne tendue et juste soulever le leurre du fond. Il convient de faire varier la fréquence et la hauteur des sauts jusqu’à trouver l’animation la plus fructueuse. La longueur des sauts peut varier de quels millimètres à 20 cm ou plus. Je laisse le poisson me dire quoi faire. Je ne laisse jamais mon leurre parfaitement immobile et je ne le ramène de façon continue que très rarement.
L’autre méthode que j’utilise est celle du swimming jig en utilisant la air bait hawg vagabond. Là encore, c’est le trailer qui provoque l’attaque. J’utilise cette méthode quand les bass sont le plus actif. Je fais de longs pitchings dans les structures dans l’espoir d’une attaque à la tombée. Au moment ou le jig touche le fond, je commence immédiatement l’animation, je le monte à 30 cm du fond et le laisse retomber doucement. C’est une méthode particulièrement efficace quand le poisson est en chasse. Je l’utilise aussi au dessus des herbiers, notamment en fin d’été.
Une autre version du swimming jig c’est de faire le yo-yo, idéalement avec un one up shad sawamura. Je l’utilise principalement en flipping. Le cas d’objets flottants, de végétation de surface est parfait pour ce genre d’applications. Je place le leurre dans l’obstacle, je le laisse descendre au fond, et ensuite je commence le mouvement de yoyo. Je remonte le leurre pour le laisser redescendre jusqu’au fond. Généralement l’attaque a lieu à la descente et est particulièrement violente.
La touche
La plupart sont violentes. Vous ressentez un réel choc dans la canne. Il faut ferrer à ce moment la. Le second choc correspond généralement au rejet du leurre par le poisson. La plupart du temps il s’agit du genre de touche que provoque le poisson qui veut se nourrir : il est là pour avaler.
Parfois, vous ne sentirez même pas l’attaque, il s’agit généralement de vieux roublards qui savent se positionner et se contentent de gober le leurre. Seule la pratique et la connaissance de la méthode vous permettra sentir ce genre d’impact. Dans tous les cas, n’hésitez jamais à ferrer au moindre doute, cela ne coûte rien.
La plupart des gens conseillent de ferrer les poissons de façon violente. Je ne suis pas convaincu par cette méthode. Je préfère raccourcir la brosse qui protège l’hameçon. Non pas en le raccourcissant mais en coupant par exemple une fibre sur deux parmi celles qui le protège (je n’aime pas les modèles utilisant les autres systèmes de protection). De cette façon, il arrive même que certains Bass se ferrent eux même.
Les rubber jigs
La plupart de mes poissons sont faits avec des rubber jigs de 3/8 once et 1 /2 once (10.5 et 14 g) type flipping : alien head megabass et core head gancraft. Ces poids couvrent la majorité des situations. Ce genre de leurre est parfaitement équilibré, nage et coule de façon adéquate. Ils ont une nage qui semble plus naturelle et le rubber se comporte parfaitement à la touche. Même immobile le rubber semble vivant.
Les couleurs
En général, l’idéal de respecter la couleur de la proie. Cela varie en fonction du site de pèche. Dans mes lacs, les couleurs que j’affectionne sont les mélanges de marron-noir et de bleu-rouge. Mon choix dépend du moment de l’année.
Par exemple, le marron est une couleur assez commune. Dans les zones de boue les écrevisses tendent sur le vert-marron alors qu’elles s’orientent au noir sur les zones rocailleuses ou de nombreuses zones sombres servent de caches. Le marron et le noir servent de couleurs de base. En France, certaines écrevisses tendant sur le rouge ou le bleu, les mélanges de rouge et bleu combinent couleurs naturelles et contexte.
Trailers
J’utilise des trailers très volumineux de couleur noir/bleu ou vert olive/water melon. A utiliser sur des rubber jigs marron en fonction de la teinte de l’eau. Par eau claire, vert olive, en eau teintée : bleu/noir. Dans l’eau boueuse, j’utilise du vert olive sur un jig noir. J’aime différencier les teintes entre rubber jig et trailer.
Par eau froide et boueuse, je me sers de teinte water melon. C’est le seul moment ou je rajoute un rattle (4) et use généralement d’un rubber jig de 1/2 once (14 g). Je préfère les rubber jigs qui se voient et s’entendent dans ces conditions.
Plus la température monte, plus le Bass chassera une proie et plus je ferai nager le rubber jig.
Concernant les shad, je n’utilise que le noir (tache de rouge éventuellement). Avec les écrevisses je retombe dans le water melon et pumpkin, couleurs plus naturelles.
Je pense que le rubber jig est un leurre qui provoque l’attaque, il symbolise le plat préféré du bass. Il est de notoriété publique et qu’il permet d’attraper de plus gros poissons. Il suffit d’observer les résultats des 25 dernières années du Bass master.
Notes de la rédaction :
(1) Le trailer est la remorque (traduction littérale) du rubber jig, c’est à dire le leurre souple qu’on va lui associer pour créer un ensemble. Le choix du trailer à au moins autant d’importance que celui du rubber jig dans l’efficacité de l’ensemble.
(2) Le flipping est une type de lancer très utilisé pour pêcher au rubber jig à courte distance dans les zones encombrées. Le principe est de ne pas se servir du moulinet pendant le lancer. Il s’agit plus d’un posé que d’un lancer, la propulsion du leurre se déroule grâce à un mouvement de balancier de celui-ci obtenu en levant puis en baissant alternativement la canne. Un des avantages de ce lancer réside dans la précision et la discrétion du posé. Pour gagner un petit peu de distance, un supplément de bannière peut être sorti et tenu écarté de la canne entre le moulinet et le premier anneau par la main libre du pêcheur puis libéré pour donner un peu plus de profondeur au geste.
(3) Le pitching est un lancer sous la main qui s’effectue avec un ensemble casting et permet de pêcher avec précision des zones à courte ou moyenne distance. Le principe est de donner au leurre une trajectoire horizontale au plus proche de la surface de l’eau en contrôlant sa vitesse via une pression du pousse sur la bobine. Avec un petit peu d’expérience cette technique permet des posés très précis et très discrets, même dans des zones surplombées par des frondaisons, un ponton ou autre obstacle aérien sous lequel ce lancer permet de passer.
(4) Le rattle est une chambre en verre ou en plastique qui enferme des billes, on peut l’ajouter directement au rubber jig ou l’insérer à l’intérieur du trailer afin d’ajouter un son supplémentaire au leurre et de permettre aux carnassiers de le repérer plus facilement.
A lire aussi sur le sujet, l’article de Christophe Rapin, autre spécialiste de la technique : « Pour l’amour du jig ! »