La vie d’un pêcheur est une perpétuelle évolution dont deux des moteurs sont les rencontres et le partage. La richesse de notre sport est bien là, on a tous à apprendre les uns des autres et c’est un très bon moyen pour s’améliorer, progresser, ou tout simplement prendre du plaisir en faisant la découverte d’une technique, d’une approche ou plus encore d’un état d’esprit.
Je me souviens de nos longs échanges techniques ou philosophiques avec Tom sur le bigbait, de nos quelques sessions partagées, mais également aussi avec Charlie ou Boris, qui sont tous des accros. J’avais un penchant avéré pour la pêche aux gros leurres, mais ces derniers ont fini de me faire basculer dans le vrai bigbait. Bien évidemment comme toujours il y a un côté technique très intéressant dans cette approche mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est la dimension mentale que nécessite cette pêche. Il faut un moral d’acier, une croyance et une détermination sans faille pour ne jamais lâcher.
Mon matériel :
Sur ce point le conseil majeur que j’aurais à vous transmettre est de porter une attention particulière sur vos choix. Imaginez-vous avec un leurre de 100gr et plus au bout de la ligne, et passer votre journée à le lancer avec énergie et engagement ! Chaque détail compte, une canne trop lourde, trop grosse, un moulinet qui fonctionne mal ou encore une tresse qui casse etc… Le « à peu près » n’a pas sa place. Le pêcheur et le matériel sont soumis à de fortes contraintes donc autant faire les choses bien et faire des choix qui vous correspondent notamment en terme d’investissements, sous peine de le regretter après.
Pour ma part, un matériel casting reste bien plus confortable pour cette pratique. J’utilise la Tenryu Injection BC 80 XXH qui mesure 2m40 et qui malgré sa puissance (80-200gr), sait avoir une certaine douceur. Je la trouve extraordinaire sur des pêches aux swimbait et son talon en liège lui donne un look rétro que j’adore. Cette saison voit arriver la nouvelle Tenryu Injection BC 85 XXH, avec une longueur supérieure et permettant d’envoyer encore plus lourd. Je ne sais pas pourquoi mais je crois que je suis déjà foutu ! (lol)
Pour le moulinet, une taille 300 ou 400 suivant le poids et la contenance de votre choix. J’ai opté pour une taille 300 car je n’ai pas une très grosse main (il faut y penser aussi), garni d’une tresse YGK X8 G-Soul Upgrade en PE4. Ce choix est motivé par la volonté d’avoir une ligne qui n’ai pas trop de portance sur l’eau, pour pouvoir faire évoluer plus facilement mes leurres dans les différentes couches d’eau.
Pour le bas de ligne, j’utilise l’YGK Absorber Galis D-Spec N900 en 100 LB (pas question de risquer la coupe) que je termine par un Decoy Power Roll Ring en taille 3 ou 4 pour fixer les leurres.
Mes leurres de cœur :
On a tous nos tempéraments et nos préférences pour certaines familles de leurres. Personnellement je suis plutôt swimbait car c’est la pêche que je préfère et qui me correspond. L’essentiel c’est d’avoir une confiance indéfectible dans ses leurres et de bien les connaître. Il est primordial de maîtriser les points techniques de chacun d’eux, leurs particularités de vitesse, de profondeur de nage, d’animations, et tout autre point de détail. Cela vous permettra de mieux vous projeter dans l’eau avec eux pour visualiser comment votre leurre évolue et/ou comment il faudrait le faire évoluer pour être plus efficace.
Mes incontournables sont :
Les Megabass Magdraft en 8 et 10 pouces (20cm-83gr / 25cm-167gr). Des soft swimbait pré-armés et pré-plombés que l’on peut aussi lester avec un plomb Decoy DS8 supplémentaire en fonction des profondeurs de nage désirées. Redoutable en cranking shad (linéaire pur), les brochets adorent les grosses vibrations de son paddle. Un leurre très adaptable qui permet de pêcher aussi bien les zones peu profondes que les grands lacs.
Le fameux Gan Craft Jointed Claw Magnum (23 cm pour 107 g en version flottante ou 23 cm pour 113 g en version slow sinking). Un glidebait mythique connu dans le monde entier. Une nage en S si fluide et douce qu’on a l’impression que le leurre glisse dans l’eau. Ce dernier existe en deux version très complémentaires, la F pour Flottante et SS pour Slow Sinking (coulante). Avec lui, tout se joue au moulinet, rapide, lent, avec des pauses, c’est une histoire de rythme. Je vous conseille d’ailleurs de bien prendre le temps de le faire nager devant vous en explorant et testant toutes les possibilités. Plus vous le maîtriserez, mieux vous jouerez avec lui après. Mention spéciale au coloris Perch et Pike qui sont dingues, de loin mes préférés !
Le Megabass I-Slide 262T (262cm-168gr). Un gros glidebait très volumineux qui se distingue du Jointed par un volume d’eau déplacé plus important et une nage en S plus « brutale ». La grosse particularité du I-Slide, c’est l’inertie du leurre qui va continuer sa trajectoire sur une pause. Son nom vient de là, on peut lui faire faire des gros slides (écarts) de côté. On peut l’animer à la canne ou au moulinet, personnellement je préfère au moulinet. Le linéaire classique fonctionne mais petite astuce, moi j’imprime au moulinet un tempo particulier avec un tour de manivelle fort et un petit temps de latence avant l’autre tour. Cela a pour effet d’accentuer les écarts de côté du leurre.
Le dernier coup de cœur le Madness Balam (30cm-168gr) comment ne pas en parler ? 30 centimètres de dynamite avec une nage bluffante de réalisme. Un corps qui nage en ligne droite et une queue segmentée qui ondule au rythme de la récupération. C’est d’ailleurs sur ce point que le Balam est très intéressant, il supporte de grandes variations de vitesse. Tous les terrains de jeu lui vont, zones shallow en riviere jusqu’au grand lac alpin. D’origine flottant, on peut lui ajouter des lests (Decoy DS8) pour le faire évoluer plus profond. Je n’ai pas de table type pour déterminer le grammage en fonction de la profondeur, car suivant la volonté de pêcher plus ou moins vite on peut ajuster ce lest. A titre d’exemple, pour pêcher dans 3-4 mètres d’eau, je suis en général autour de 11gr et je suis monté jusqu’à 45gr sur le Léman pour pêcher dans 12 mètres environ.
Une pêche au mental :
Quand on décide de pêcher bigbait, c’est qu’on cherche LA touche, le big fish dont on rêve tous. Bien sûr il n’y a pas que cette technique qui peut permettre de capturer un poisson trophée, mais c’est clairement ce que l’on cible et c’est à mon sens le meilleur moyen pour atteindre cet objectif.
Je me rappelle comme si c’était hier avec mon Steph et Charlie sur le Léman. Comme on dit, « UN OURS » ! Que je décroche au bout de quelques secondes mais aujourd’hui encore, je ressens encore en moi la frappe dans le Balam et la pression sur la canne. Presque obsédé par cette action, je ne pense qu’à prendre ma revanche ! C’est pour cet instant, cette sensation qu’il faut rester déterminé.
Prendre sa canne et lancer son gros leurre pendant 15 minutes ne suffira pas. On peut toujours se poser la question de savoir si en pêchant plus petit on aurait plus de touches. Seulement cette question ne doit pas vous détourner de votre objectif, il faut rester acidu et s’archarner, c’est dans la tête que cela se passe. Bien évidemment, ces gros leurres ont tendance à sélectionner un peu la taille des prises et c’est d’ailleurs pour cela qu’on les utilise. Mais il n’est pas rare de déclencher des poissons plus modestes qui n’ont absolument pas peur de s’attaquer à ces grosses proies. C’est notre esprit de pêcheur et surtout d’humain qui nous dicte le principe qu’à pêcher gros on prend moins de touches. Or dans les faits, un brochet de 50cm n’aura aucun problème à venir taper votre leurre.
Le mot d’ordre c’est ne rien lâcher. Passer des heures à projeter des « parpaings » soumet le corps à de gros efforts, mais la satisfaction de prendre une belle touche ou un joli poisson, elle, est une récompense dont on se souvient toujours.
Avec le bigbait, on peut jouer sur les 3 instincts des carnassiers qui sont la territorialité, l’agressivité et l’alimentaire. Beaucoup de paramètres vont vous amener à modifier vos présentations et vos animations. Je pense en particulier à la saisonnalité, les températures d’eau, la profondeur et bien d’autres. C’est un peu imagé, mais il faut mentaliser votre leurre, se mettre à la place d’un prédateur et visualiser votre leurre en train de passer. Qu’est ce qui pourrait vous faire sauter dessus : une grosse bouchée qui passe devant vous et qui se sauve, un concurrent ou un poisson malade qui vient mourir à côté de vous et que vous pouvez engloutir sans effort ?
Cet état mental et cette concentration nous donnent souvent l’impression de sentir, un dixième de seconde avant, qu’on va prendre la cartouche. C’est complètement ce que j’ai ressenti quand ce brochet est venu littéralement coffrer les 30 centimètres du Balam.
J’ai longtemps tâtonné sur le grammage du lest car je voulais faire passer exactement mon leurre à une profondeur et une vitesse précises. Une touche fantastique et une satisfaction énorme de ressentir cette attaque si violente.
Et le bigbait, c’est aussi parfois des coups d’éclats, des instants figés, des coups de lignes mémorables ou inattendus. Avec le refroidissement rapide des eaux, je me souviens prendre mon Jointed Claw Magnum S et ralentir de plus en plus mes animations. J’avais pris 2 touches sur une simple descente du leurre. 4 tours de manivelle lente, une grande pause et ainsi de suite. Le plus dur, garder son sang-froid et calmer ses ardeurs pour que simplement le volume du leurre déclenche l’intérêt d’un prédateur. Bim !
Un instant magique voire irréel au coucher du soleil avec ce sandre qui s’en est pris à mon leurre ! Une « Tom Couchoud » dans le jargon !! (lol). Merci mon ami de m’avoir éveillé à cette approche aux gros leurres.
Avec la technique, la persévérance et la détermination sont les clés de la réussite. A part quand je pars traquer l’aspe, ma bigbait ne me quitte plus parce que j’aime ça ! Cette pêche me correspond, elle m’apporte des émotions et des sensations. L’essentiel et le plus important sont là, faire ce qui nous plait et prendre du plaisir au bord de l’eau.